Savoir conduire c'est
aussi savoir se conduire.
Je crois que je vais commencer à prendre des notes afin de documenter toutes les bêtises que je vois sur la route. Ma foi, les gens deviennent cinglés. Il y a d'une part tous
ceux qui exigent que leur droits soient respectés sans aucune flexibilité et il
y a d'autre part, ceux qui tirent l'élastique autant qu'ils le peuvent en
prenant des chances sur les routes au détriment de la sécurité d'autrui, de la
leur, aussi au détriment du respect et de la courtoisie à laquelle on s'en
remet pour atteindre une certaine harmonie dans le partage du réseau
routier.
Il faut réaliser que le nombre d'usagers de la route a
augmenté et va sans cesse gagner du terrain. De plus il est peu probable que le
réseau des routes, surtout en milieu urbain, puisse prendre assez d’expansion
pour faire disparaître les bouchons de circulation aux heures de pointe.
Combiné à la densité toujours plus forte de la circulation, il y a le stress
que le quotidien impose à une masse grandissante de travailleurs, ces mêmes
conducteurs qui sont dans le trafic. Ces deux éléments, à eux seuls, forment un
mélange instable potentiellement explosif! La population a avantage à prendre
connaissance de cette réalité et de bien la comprendre car je remarque une
recrudescence d'agressivité et même de violence de la part de conducteurs à la
mèche courte!
Encore ce matin, l'étincelle qui m'a fait écrire le présent
texte, je suis sur la première avenue, arrondissement Charlesbourg, une
camionnette s'engage pour tourner à gauche, donc doit couper la circulation
inverse qui attend à un feu rouge. Il y a tout juste la place pour qu'il
traverse la première voie entre deux autos et un autre véhicule arrive dans la
seconde voie mais ne ralentit pas puisque son feu vient de tourner au vert. La
camionnette continue, l'auto freine brusquement. Conflit. Ni l'un ni l'autre
des conducteurs n'a envie de tendre la main pour laisser passer l'autre. Ils
s'offrent plutôt mutuellement des
injures. Je vois l'un d'eux postillonner de l'écume tant il est fâché.
Cette semaine, coin Bouvier et avenue des Replats :
arrêt obligatoire dans les quatre directions tous ont des voies doubles, aucun
feu de circulation. Je travaille tout près et je peux vous dire que cette
intersection est souvent le point de départ d'une «course à la claque sur la
gueule» et de la «symphonie des klaxons». Deux automobilistes s'avançaient
doucement, réclamant chacun sont droit de passage sans vouloir céder à l'autre
et à la lenteur d'un escargot, je vous jure, ont presque touché leur pare-chocs
tant ils ne voulaient pas céder à l'autre. Klaxons, doigts d'honneurs, poings
levés et visiblement des cris à s’époumoner furent les seuls éléments de
communication que j'ai pu observer. Les deux se sont engagés sur la bretelle de
l'autoroute l'un talonnant l'autre pour
continuer de le narguer. Je n'étais pas le seul à être impressionné de la
situation puisque tous les autres automobilistes sont restés à l'arrêt tant que
les deux «combattants» n'ont pas disparus sur l'autoroute.
Il y a une chose qui m'intrigue lorsqu'il existe des points
névralgiques du genre de cette intersection. C'est que je n'ai jamais vu de
policiers aux aguets à cet endroit. Je passe quotidiennement à cette
intersection et en plus des manifestations d'agressivité, il y en a qui font la
démonstration claire qu'ils ne connaissent pas le concept de «l'arrêt».
Je repense à l'individu de ce matin qui n'a pas pu assouvir
son intense envie de se battre comme un animal. Je l'imagine très bien se
vanter à qui veut l'entendre «qu'il aurait bien réglé le cas» de l'autre gars.
Cependant, il véhicule un message qui est perçu par ses enfants (ah oui, il y
avait des enfants derrière) comme étant l'exemple donné par papa. Et si dans
dix ans, son fils revient à la maison, la mâchoire cassée et le nez en bouillie
parce qu'il a recréé l'image que son père lui a enseignée, qui sera gagnant?
Qui bénéficiera de la «leçon»? Voyons donc, il n'y a aucune valeur ajoutée à
transformer une situation de circulation en bagarre. La route n'est pas une
arène où l'on cherche à briser d'autres gens. L'image projetée par ces
comportements banalise la violence et l'irrespect, j'irais jusqu'à dire qu'elle
la rend accessible et acceptable, ce qui est inadmissible.
J'expose ici que deux exemples vécus et je pourrais
continuer des pages et des pages durant. Je pourrais parler des automobilistes
qui ne comprennent pas qu'un gros transporteur routier ne peut pas freiner et
accélérer comme une auto mais ils sont aussi des usagers de la route. Je
pourrais parler des automobilistes versus les motocyclettes et vice-versa. Et
je pourrais user mon clavier à parler de la relation entre les piétons, les
cyclistes et, nouvellement, les fameux fauteuils électriques ou encore des
«skate-boards>».
Pour ma part, je réalise que la route est un milieu en
changement et je participe à ce changement en redoublant de courtoisie et de
compréhension envers autrui. Pas juste envers les bons conducteurs, ça serait
trop facile. Je m'applique à améliorer mon comportement également envers les
gens qui sont pressés, à être indulgent envers ceux que je trouve stupides et
concilient envers ceux qui ne devraient pas avoir un permis de conduire. Au
fond de moi, tout de même, j'aimerais bien voir un de ces ternes personnages répondre de ses actes devant les gyrophares...
Alex Arseneau
27 avril 2013
(Illustration de Erwin Wirapratama)
(Illustration de Erwin Wirapratama)